Le trouble hypersexual: décryptage

L’addiction sexuelle, souvent désignée sous le terme d'hypersexualité ou de trouble hypersexuel, est un sujet controversé en psychiatrie et en psychologie (Pistre et al, 2023). Bien qu'elle ne soit pas officiellement reconnue comme un diagnostic clinique distinct dans le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-5), de nombreux professionnels reconnaissent les comportements sexuels compulsifs comme un véritable problème affectant la santé mentale et le bien-être des individus.

L'addiction sexuelle se caractérise par une préoccupation excessive et des impulsions incontrôlables à pratiquer des activités sexuelles, en dépit des conséquences négatives. 

En 1990, le psychiatre Aviel Goodman, en donnait la définition suivante: « la fréquence excessive croissante, et surtout non contrôlée, d’un comportement sexuel, qui persiste en dépit des conséquences négatives possibles et de la souffrance personnelle du sujet. Le sexe devient alors une priorité absolue dans la vie du sujet pour lequel il est prêt à tout sacrifier » (An integrated approach).

Les pratiques sexuelles les plus courantes chez les personnes souffrant de ce trouble incluent:

Les personnes atteintes peuvent se sentir prisonnières de leurs pulsions sexuelles, éprouver des difficultés à instaurer ou à maintenir des relations saines.  

Les comportements hypersexuels peuvent coexister avec d'autres problèmes de santé mentale tels que l'anxiété, la dépression ou des troubles de la personnalité. La complexité de ces conditions comorbides nécessite souvent une approche thérapeutique multidisciplinaire pour une prise en charge efficace.

Cette situation peut avoir des répercussions émotionnelles: sentiments de honte et de culpabilité, des impacts sur la sphère familiale (négligence du partenaire, divorce). Sur le plan physique, cela peut se traduire par des maladies sexuellement transmissibles (VIH).

Outre les répercussions émotionnelles et sociales mentionnées, cette dépendance peut également affecter le fonctionnement professionnel et financier des personnes touchées. Les dépenses excessives liées à ces comportements peuvent entraîner des difficultés financières sérieuses (services cybersexuels, prostitution, lignes téléphoniques…).

Ces comportements peuvent également entrainer l'émergence d'autres addictions telles que la consommation excessive d'alcool ou de drogues, et entrainer l’individu dans une spirale judiciaire, la précarisation et finalement aboutir au suicide.

L'hypersexualité peut toucher des individus de tout âge, sexe, origine ethnique et contexte socioéconomique. Cependant, les études suggèrent que le trouble est plus commun chez les hommes (Karila et al, 2014) et les jeunes adultes (Benhaiem, Accro, Flammarion, 2009). Ce trouble peut affecter aussi bien les célibataires que les personnes en couple, perturbant souvent les relations et pouvant mener à des comportements tels que l'infidélité chronique ou le recours à des services sexuels.

Les causes de l'addiction sexuelle sont diverses et peuvent inclure des facteurs biologiques, psychologiques et sociaux. Parmi les facteurs biologiques, on retrouve des anomalies dans les niveaux de neurotransmetteurs ou un déséquilibre hormonal. Les facteurs psychologiques peuvent inclure des antécédents de traumatisme ou d'abus sexuel, des troubles de l'attachement, des troubles de la personnalité ou des addictions concomitantes à des substances. Socialement, des influences telles que l'accès facile et anonyme à la pornographie en ligne et la sexualisation de la culture pourrait contribuer au développement de comportements hypersexuels.

La recherche est toujours en cours pour comprendre l'hypersexualité, ses causes et ses implications. 

La recherche s'intéresse à la dimension neuroscientifique pour mieux comprendre les mécanismes cérébraux sous-jacents à cette addiction. Des études neuroscientifiques explorent les corrélations entre les comportements addictifs sexuels et les structures cérébrales impliquées dans le système de récompense. 

Des travaux sur l'aspect psychologique évaluent comment les facteurs de stress, les troubles mentaux associés et les expériences de vie influencent le comportement sexuel compulsif.

Les études en cours cherchent également à évaluer l'efficacité à long terme des différentes thérapies pour une meilleure prise en charge.

Le traitement de l'addiction sexuelle repose souvent sur des stratégies multidisciplinaires. La thérapie comportementale cognitive (TCC) s'est montrée particulièrement efficace, car elle aide les individus à identifier et à modifier les schémas de pensée et les comportements qui alimentent leur addiction. Des interventions telles que la thérapie de groupe, notamment les groupes de soutien basés sur le modèle des Douze Étapes, et la thérapie individuelle peuvent également être bénéfiques.

D'autres approches, comme la thérapie psychodynamique, peuvent être utilisées pour explorer les racines émotionnelles et relationnelles du trouble. Certains professionnels peuvent également prescrire des médicaments pour traiter des troubles concomitants comme la dépression ou l'anxiété, ou comme moyen de diminuer l'impulsivité sexuelle. Toutefois, il convient de noter que l'utilisation de médication dans ce contexte doit être personnalisée et étroitement surveillée.

Il est capital pour les individus souffrant d'hypersexualité de consulter des professionnels compétents en santé mentale afin d'obtenir un diagnostic précis et un plan de traitement adapté à leur situation. Il est également important de considérer le soutien des partenaires et de la famille dans le processus de guérison. L'inclusion des proches dans la démarche thérapeutique peut améliorer l'efficacité des traitements et le bien-être des individus affectés.

La recherche continue d'évaluer l'efficacité de différentes thérapies et leur impact à long terme. Les professionnels sont encouragés à garder un esprit ouvert et à s'adapter aux découvertes scientifiques, ainsi qu'aux besoins et aux expériences personnelles de leurs patients.